Jean-Yves Stoquer : la triste disparition des papillons
Le réchauffement climatique est présent sur toutes les lèvres des scientifiques, et pourtant aucune mesure politique concrète ou efficace ne semble être prise. Pourtant, tous les voyants sont au rouge. Le film « Demain », de Cyril Dion et Mélanie Laurent, a connu un grand succès en dressant un bilan de la situation, et pourtant tout le monde semble ‘avoir oublié. 15 000 scientifiques ont tiré la sonnette d’alarme dans une tribune publiée dans Le Monde, sans qu’aucune personnalité politique ne s’empare du sujet ni ne propose quelque chose. Les espèces disparaissent, et parmi elles, un insecte emblématique, le papillon.
Des lépidoptéristes attristés
« À titre personnel, je ne chasse plus les papillons, je me contente de les photographier ». Ce sont les mots de Jean-Yves Stoquer, un lépidoptériste amateur et passionné, c’est-à-dire un collectionneur de papillons. Il possède encore une collection impressionnante, du temps où il les chassait lui-même : plus de 3000 spécimens, stockés et étiquetés dans les règles de l’art. Il allait lui-même en chercher dans le monde, jusqu’au Guatemala, faisait des échanges avec d’autres collectionneurs et obtenaient même parfois quelques papillons de la part de membres de sa famille en voyage, trop heureux de pouvoir l’aider. Mais la magie n’y est plus, balayée par le souffle glacé de la réalité et par le réchauffement climatique. « Il ne reste plus aujourd’hui qu’à peine 10% du nombre de papillons qui pouvaient être dénombrés il y a à peine 50 ans », explique Jean-Yves Stoquer, le regard plein de tristesse. « Un score digne de la conquête de l’Ouest en matière d’indiens des plaines de l’Amérique du Nord », ajoute-t-il. La métaphore tombe, cruelle. Ce qui était autrefois une simple passion, une collection qui devait se renouveler naturellement, tant les insectes paraissent innombrables et éternels, est devenu un geste aggravant pour une situation désastreuse. Ce qu’ajoute le passionné, c’est que le mal est loin de ne venir que du réchauffement climatique, bien que les papillons soient particulièrement sensibles aux variations climatiques et contraints de migrer pour retrouver des terres qui leur sont favorables. « La guerre des hommes contre les insectes ravageurs et les plantes adventices a conduit nos sociétés à développer des armes de destruction massive, en particulier les insecticides et herbicides à partir de nicotinoïdes de synthèse, horriblement efficaces ». Les comparaisons de Jean-Yves Stoquer sont fortes, certains les qualifieraient probablement d’excessives. Mais la tristesse et la lassitude sont là.
La disparition massive des insectes
Suite à l’article du journal « Le Monde », de nombreuses personnes ont voulu s’intéresser au problème, essayer de comprendre qu’est-ce qu’il en était vraiment, et le résultat est particulièrement glaçant. Plus on creuse le sujet, et plus on découvre l’ampleur de la catastrophe. Certes, beaucoup de gens ont peur des insectes. Certes, certains sont nuisibles, dérangeants, laids, grouillants, les adjectifs ne manquent pas pour manifester notre désarroi face à ces bestioles. Et certes, pour les personnes qui ignorent le rôle capital que les insectes jouent dans la biodiversité, la perte de quelques insectes n’est pas très importante. Et pourtant, ce serait sous-estimer la violence des chiffres que de tenir un discours pareil. Nombre de mammifères menacés d’extinction ? 1 sur 4. Nombre d’oiseaux menacés d’extinction ? 1 sur 8. Pour les amphibiens, c’est 1 sur 3, pour les conifères, même chose. Pour les insectes ? 3 sur 4. 75% des insectes volant de nombreux pays auraient disparus, tout simplement. Une extinction de masse largement ignorée à cause du nombre très faible d’études consacrées aux insectes. Si le grand public n’entend parler que des disparitions d’insectes et d’abeilles, c’est que ce sont les seuls insectes avec un capital sympathie assez fort pour attirer l’attention du public, et donc obtenir des enquêtes sérieuses et d’envergure. Les autres n’avaient qu’à être plus beaux. Les entomologistes sont d’ailleurs en colère : ils estiment non seulement que les normes et autorisations nécessaires au prélèvement des espèces, c’est-à-dire l’administratif et la bureaucratie en général, tuent leur métier, mais surtout que les insectes, « tout le monde s’en fout ». Un constat triste lorsque l’on se remémore combien l’entomologie était une science importante dans les années 70. Désormais, les scientifiques du vivant sont des généticiens, et les études sur les insectes ne proviennent presque plus que des associations.
La situation est tellement désespérée pour les recherches sur les insectes que le Muséum national d’histoire naturel a dû demandé à des demandé à des observateurs volontaires d’effectuer une collecte de donnée sur la biodiversité et son état actuel, faut de scientifique pour le faire. Les résultats qui seront analysés devront donc être pris avec des pincettes, car ils seront remplis de biais et d’erreurs légères mais néanmoins dommageables. La situation est tellement critique pour ce secteur largement ignoré que même l’Agence européenne pour l’environnement, pourtant supposé être une sommité sur les questions écologiques n’a pas d’expert de cette question. La seule protection qui semble un minimum impactante, pour ces insectes et notamment pour les papillons, semble être la reconnaissance comme espèce protégée, et encore. Au Royaume-Uni, un lépidoptériste amateur a tué deux spécimens de « Maculinea arion », aussi connu sous le nom de « Grand Bleu » le papillon le plus rare du pays. Pour la première fois dans l’histoire, une personne a été poursuivi, jugée, reconnue coupable et condamnée pour le meurtre de papillon. Mais les sanctions ne semblent pas très lourdes : 6 mois de prison avec sursis, 250 heures de travaux d’intérêt général, 5 ans avec interdiction d’approcher des réserves naturelles où se trouve l’animal. D’autant plus que le collectionneur les revendait en réalité sur eBay, où ils peuvent se négocier entre 200 et 300 livres. La justice avance, mais sans doute trop lentement. Du côté de la culture et de l’opinion public, il faut encore lutter contre certaines idées reçues, et notamment sensibiliser les gens au réchauffement climatique et à l’usage néfaste des pesticides. Un combat qui semble très difficile au vu de la pression des lobbys, qui répandent de fausses informations : de nombreuses personnes demeurent sceptique alors que 97% des scientifiques reconnaissent la réalité et les dangers du réchauffement climatique !
Des lépidoptéristes attristés
« À titre personnel, je ne chasse plus les papillons, je me contente de les photographier ». Ce sont les mots de Jean-Yves Stoquer, un lépidoptériste amateur et passionné, c’est-à-dire un collectionneur de papillons. Il possède encore une collection impressionnante, du temps où il les chassait lui-même : plus de 3000 spécimens, stockés et étiquetés dans les règles de l’art. Il allait lui-même en chercher dans le monde, jusqu’au Guatemala, faisait des échanges avec d’autres collectionneurs et obtenaient même parfois quelques papillons de la part de membres de sa famille en voyage, trop heureux de pouvoir l’aider. Mais la magie n’y est plus, balayée par le souffle glacé de la réalité et par le réchauffement climatique. « Il ne reste plus aujourd’hui qu’à peine 10% du nombre de papillons qui pouvaient être dénombrés il y a à peine 50 ans », explique Jean-Yves Stoquer, le regard plein de tristesse. « Un score digne de la conquête de l’Ouest en matière d’indiens des plaines de l’Amérique du Nord », ajoute-t-il. La métaphore tombe, cruelle. Ce qui était autrefois une simple passion, une collection qui devait se renouveler naturellement, tant les insectes paraissent innombrables et éternels, est devenu un geste aggravant pour une situation désastreuse. Ce qu’ajoute le passionné, c’est que le mal est loin de ne venir que du réchauffement climatique, bien que les papillons soient particulièrement sensibles aux variations climatiques et contraints de migrer pour retrouver des terres qui leur sont favorables. « La guerre des hommes contre les insectes ravageurs et les plantes adventices a conduit nos sociétés à développer des armes de destruction massive, en particulier les insecticides et herbicides à partir de nicotinoïdes de synthèse, horriblement efficaces ». Les comparaisons de Jean-Yves Stoquer sont fortes, certains les qualifieraient probablement d’excessives. Mais la tristesse et la lassitude sont là.
La disparition massive des insectes
Suite à l’article du journal « Le Monde », de nombreuses personnes ont voulu s’intéresser au problème, essayer de comprendre qu’est-ce qu’il en était vraiment, et le résultat est particulièrement glaçant. Plus on creuse le sujet, et plus on découvre l’ampleur de la catastrophe. Certes, beaucoup de gens ont peur des insectes. Certes, certains sont nuisibles, dérangeants, laids, grouillants, les adjectifs ne manquent pas pour manifester notre désarroi face à ces bestioles. Et certes, pour les personnes qui ignorent le rôle capital que les insectes jouent dans la biodiversité, la perte de quelques insectes n’est pas très importante. Et pourtant, ce serait sous-estimer la violence des chiffres que de tenir un discours pareil. Nombre de mammifères menacés d’extinction ? 1 sur 4. Nombre d’oiseaux menacés d’extinction ? 1 sur 8. Pour les amphibiens, c’est 1 sur 3, pour les conifères, même chose. Pour les insectes ? 3 sur 4. 75% des insectes volant de nombreux pays auraient disparus, tout simplement. Une extinction de masse largement ignorée à cause du nombre très faible d’études consacrées aux insectes. Si le grand public n’entend parler que des disparitions d’insectes et d’abeilles, c’est que ce sont les seuls insectes avec un capital sympathie assez fort pour attirer l’attention du public, et donc obtenir des enquêtes sérieuses et d’envergure. Les autres n’avaient qu’à être plus beaux. Les entomologistes sont d’ailleurs en colère : ils estiment non seulement que les normes et autorisations nécessaires au prélèvement des espèces, c’est-à-dire l’administratif et la bureaucratie en général, tuent leur métier, mais surtout que les insectes, « tout le monde s’en fout ». Un constat triste lorsque l’on se remémore combien l’entomologie était une science importante dans les années 70. Désormais, les scientifiques du vivant sont des généticiens, et les études sur les insectes ne proviennent presque plus que des associations.
La situation est tellement désespérée pour les recherches sur les insectes que le Muséum national d’histoire naturel a dû demandé à des demandé à des observateurs volontaires d’effectuer une collecte de donnée sur la biodiversité et son état actuel, faut de scientifique pour le faire. Les résultats qui seront analysés devront donc être pris avec des pincettes, car ils seront remplis de biais et d’erreurs légères mais néanmoins dommageables. La situation est tellement critique pour ce secteur largement ignoré que même l’Agence européenne pour l’environnement, pourtant supposé être une sommité sur les questions écologiques n’a pas d’expert de cette question. La seule protection qui semble un minimum impactante, pour ces insectes et notamment pour les papillons, semble être la reconnaissance comme espèce protégée, et encore. Au Royaume-Uni, un lépidoptériste amateur a tué deux spécimens de « Maculinea arion », aussi connu sous le nom de « Grand Bleu » le papillon le plus rare du pays. Pour la première fois dans l’histoire, une personne a été poursuivi, jugée, reconnue coupable et condamnée pour le meurtre de papillon. Mais les sanctions ne semblent pas très lourdes : 6 mois de prison avec sursis, 250 heures de travaux d’intérêt général, 5 ans avec interdiction d’approcher des réserves naturelles où se trouve l’animal. D’autant plus que le collectionneur les revendait en réalité sur eBay, où ils peuvent se négocier entre 200 et 300 livres. La justice avance, mais sans doute trop lentement. Du côté de la culture et de l’opinion public, il faut encore lutter contre certaines idées reçues, et notamment sensibiliser les gens au réchauffement climatique et à l’usage néfaste des pesticides. Un combat qui semble très difficile au vu de la pression des lobbys, qui répandent de fausses informations : de nombreuses personnes demeurent sceptique alors que 97% des scientifiques reconnaissent la réalité et les dangers du réchauffement climatique !